dimanche 28 avril 2024

Prête à tout

 

Dans l’abondante production romanesque de Joyce Maynard, Prête à tout figure parmi les tous premiers. Initialement paru en poche, il fut repris par Philippe Rey son éditeur français de toujours. Comme tous les premiers romans, on peut s’attendre à quelques maladresses, et à y regarder de près on peut noter un léger manque de fluidité, ou percevoir comme une certaine mécanisation dans le narratif…Cela étant, quelle maîtrise, malgré tout, Joyce Maynard parvient à assurer tout au long de ses 300 et quelques pages, et dans le maintien d’un certain suspense, car il s’agit plutôt d’un roman noir.

Suzanne est une jeune femme qui a de la suite dans les idées, et surtout un schéma assez clair de ce qu’elle veut faire de sa vie, et surtout de sa carrière professionnelle. Elevée dans une toute petite ville, elle veut devenir une vedette de la télévision. Elle ne recule devant rien pour obtenir le moindre poste qui, ultérieurement, lui ouvrira les portes vers le Graal tant convoité.

Dans le privé, mariée à un homme superbe, elle sacrifie tout pour parvenir à ses fins : vie conjugale, maternité…Jusqu’au jour où son mari est retrouvé mort au domicile des époux. Qui, pourquoi, comment, quand ? Telles sont les questions qui se posent suite à la macabres découverte.

Prête à tout est un roman polyphonique dans lequel le lecteur retrouve à tour de rôle tous ceux qui qui à un moment ou à un autre, ont côtoyé Suzanne, Larry son mari, et le couple. Tous autant de points de vue différents, plus ou moins divergents qui vont surtout permettre au lecteur d’établir un portrait de cette femme, et également de se faire une idée du monde si particulier de la télévision et de son vedettariat. Joyce Mainard montre également combien dans ces années-là, il a fallu aux femmes de calcul, d’entourloupes et de compromissions pour tenter de percer et de gagner sur le plan professionnel.

Il faut souligner la construction impeccable de ce roman, qui si je l’avais lu bien plus tôt m’aurait sans doute donné l’occasion de prédire un avenir prometteur à la jeune auteure de l’époque !

Prête à tout de Joyce Maynard, traduit de l’américain par Jean Esch aux édition Pocket (1995, 360 pages), Philippe Ray (2015,335 pages) et 18/18 (2016, 400 pages).

 Joyce Maynard est une écrivaine américaine, autrice de nombreux romans et essais.

Son parcours d'écrivaine commence véritablement en avril 1972. Elle est alors étudiante à l'Université Yale, lorsque le prestigieux New York Times Magazine publie son article intitulé "An 18-Year-Old Looks Back on Life" (Une fille de dix-huit ans se retourne sur sa vie).

À la suite de cet article, elle commence une correspondance abondante avec l'écrivain J. D. Salinger (1919-2010), puis, en 1972, à l'âge de dix-huit ans, commence une relation amoureuse avec lui, relation qui la marquera profondément. En 1998 elle l'évoquera dans son récit autobiographique "Et devant moi, le monde" ("At Home in the World") avec beaucoup de retenue.

Elle publie son premier roman, "Baby Love", en 1981. En 1992 paraît son roman "Prête à tout" ("To Die For") qui connaîtra un grand succès. Il sera adapté au cinéma par Gus Van Sant en 1995 dans le film du même nom.

En 2009, un autre de ses romans connaît un grand succès, "Long week-end" ("Labor Day"), comédie douce-amère sur un jeune homme et sa mère qui voient leur existence bouleversé le jour où ils sont abordés par un évadé. Le roman sera adapté au cinéma en 2013 par Jason Reitman sous le titre "Last Days of Summer", avec Kate Winslet et Josh Brolin.

En 2013, elle publie "L’homme de la montagne" ("After Her") qui obtient un beau succès, il sera finaliste du grand prix des lectrices Elle 2015. En 2019 De si bons amis.

Elle reçoit le Grand Prix de littérature américaine 2021 et le Prix de Madame Figaro - Grand prix de l'héroïne - Roman étranger 2022 pour "Où vivaient les gens heureux" ("Count the Ways", 2021), fiction d'inspiration autobiographique.

Joyce Maynard a été mariée avec Steve Bethel de 1977 à 1989. Ensemble, ils ont eu trois enfants dont l'acteur Wilson Bethel (1984).

En 2013, elle épouse l'avocat Jim Barringer qui décède d'un cancer du pancréas en 2016. Elle retrace ces années passées avec lui dans "Un jour, tu raconteras cette histoire" ("The Best of Us", 2017).

Elle vit à San Francisco.

 

 

mardi 23 avril 2024

Les fils de Shifty

 

Mike Hardin est de retour pour mon plus grand plaisir. On l’avait quitté bien abîmé, loin de son épouse sur le point d’accoucher, et préférant donner le coup de main à sa sœur Linda, Shérif du comté.

Cette fois, il va mieux, il a bien récupéré de ses blessures, et il vit les derniers jours de convalescence avant de regagner sa base militaire. Sa vie sentimentale n’a en revanche pas fait de progrès ; il s’est juste rendu à l’évidence que son mariage est mort, et signe, enfin, les papiers du divorce avant de repartir à sa vie de soldat. Si son mental est meilleur, il n’en reste pas moins secoué par beaucoup d’épreuves ; vivre aux côtés de sa sœur lui fait le plus grand bien. D’autant que coup sur coup deux des fils de Shifty sont retrouvés morts. Les deux lascars sont loin d’être des enfants de cœur, seul l’ainé semble avoir bien tourné et a quitté les collines pour aller vivre sa vie loin, et à l’abri des ragots et des médisances ; mais comme Mick et Shifty se respectent, cette dernière lui demande de tirer l’affaire au clair et de retrouver le ou les assassins. Il faut dire que Linda, le shérif a d’autres chats à fouetter ; en effet les élections approchent, et il lui faut convaincre un à un les habitants du comté à lui renouveler leur confiance pour un second mandat. Policier, sans aucun doute, mais également politique jusqu’au bout des ongles : il ne lui faut négliger aucun patronage, aucune tombola, refuser aucun petit-déjeuner… Alors pendant que Madame le shérif fait campagne, Mick fouille, creuse, cherche, réfléchit, consulte, écoute, observe…. A son rythme, sans rien négliger, il avance, sort les muscles quand nécessaire. Avant de partir, il veut résoudre cette affaire, sans oublier de militer pour sa sœur, évidemment !

Chris Offutt n’est pas un auteur qui a l’habitude de bousculer son lecteur. Au contraire, avec lui, le lecteur sait qu’il va pouvoir s’imprégner de tout ce qui l’entoure. Ici, ce sont les collines du Kentucky, les forêts, les vielles mines désaffectées où il se passent parfois de drôles de choses. On prend également le temps de d’appréhender les personnages, et cette ruralité complètement oubliée et ses laissés pour compte.

Le propos est magnifiquement traduit, sans grandiloquence, mais souvent avec poésie, humour ou piquant, selon les moments. On ne reste pas indifférent à l’univers de Chris Offutt, en tout cas pour ce qui me concerne, je l’ai définitivement adopté, et ce sera avec grand plaisir que l’accueillerai son prochain opus !

Les fils de Shifty de Chris Offutt, traduit de l’américain par Anatole Pons-Reumaux, aux éditions Gallmeister (Janvier 2024, 280 pages)

Chris Offutt est un écrivain américain de roman policier né dans le Kentucky en 1958 .

Fils de l'écrivain Andrew J. Offutt (1934-2013), il suit les cours de l'Université d'État de Morehead. Diplômé, il entreprend un voyage à travers les États-Unis et exerce différents métiers pour vivre.

Il publie, en 1992, un premier recueil de neuf nouvelles, intitulé "Kentucky Straight", qui dépeint le quotidien rural du Kentucky.

Il commet par la suite deux romans semi-autobiographiques: "Le Fleuve et l'Enfant" ("The Same River Twice", 1993) et "Les hommes ne sont pas des héros" ("No Heroes: A Memoir of Coming Home", 2002), un roman de fiction: "Le Bon Frère" ("The Good Brother", 1997) et un second recueil de nouvelles: "Sortis du bois" ("Out of the Woods", 1999).

En 2018, il publie son deuxième roman, "Nuits Appalaches" ("Country Dark").

Principalement connu pour ses romans et ses recueils de nouvelles, il a également collaboré, de manière épisodique, comme scénariste à plusieurs séries télévisées américaines dont "True Blood" (2008), "Weeds" (2009) et "Treme"(2012).

Dans la saga Mike Hardin, il publie en 2022 Les gens des collines et en 2024 Les fils de Shifty .

En parallèle à sa carrière d'écrivain, Chris Offutt a été professeur dans plusieurs universités américaines et a collaboré avec différentes revues et journaux américains (New York Times, Men's Journal …).